Le monensin: un additif alimentaire toxique chez le cheval

Clémentine Gy, D.M.V., I.P.S.A.V., résidente en médecine interne équine
Mathilde Leclère
, D.M.V., Ph.D., Dipl. ACVIM, professeure en médecine interne équine et chef médicale de l’Hôpital équin
Jean-Pierre Lavoie, D.M.V., Dipl. ACVIM, professeur titulaire en médecine interne équine et responsable du Service de médecine interne équine

 

Plusieurs d’entre vous ont entendu parler de cas d’intoxication au monensin et certains ont même été malheureusement directement affectés. L’équipe de médecine interne équine répond ici à quelques questions d’ordre général sur les intoxications au monensin et autres ionophores.

1. Qu’est-ce que le monensin?

Le monensin est un antibiotique de la classe des ionophores. Il est utilisé chez des animaux de production, comme les poules et certains bovins, pour prévenir et traiter certaines conditions et promouvoir leur croissance. D’autres ionophores aussi utilisés incluent la salinomycine, le lasalocide et la laidlomycine.

2. Pourquoi le monensin est-il toxique chez le cheval?

À forte dose, le monensin est toxique chez toutes les espèces. Les chevaux présentent une sensibilité particulière au monensin et des doses qui sont sécuritaires chez les autres espèces peuvent être fatales pour les chevaux.

3. Comment survient une intoxication au monensin?

Chez les équidés, l’intoxication au monensin fait habituellement suite à l’ingestion de moulée non destinée aux chevaux ou encore suite à l’ingestion de moulée pour équidés contaminée par du monensin lors de la production ou du transport. Plusieurs chevaux d’une même écurie sont donc souvent touchés, et ceci, sans prédilection de race, d’âge ou de sexe. Occasionnellement, des cas sporadiques d’intoxication aux ionophores sont rapportés lorsqu’un cheval, qui vit avec des animaux d’une autre espèce, reçoit une moulée qui ne lui est pas destinée.

4. Quels sont les signes cliniques d’une intoxication par le monensin chez le cheval?

Les signes cliniques sont souvent non spécifiques. Toutes les cellules peuvent être affectées, mais le cœur, les muscles et le système nerveux sont les organes les plus touchés. L’un des premiers signes est une baisse d’appétit. Les chevaux les plus atteints montrent des signes d’insuffisance cardiaque (distension des veines jugulaires, augmentation de la fréquence cardiaque et respiratoire, enflure des membres et sous le ventre) et certains peuvent mourir subitement. Les chevaux intoxiqués peuvent également présenter de la léthargie, de la sudation, de la faiblesse, de l’incoordination et des signes ressemblant à des coliques. Les chevaux moins affectés peuvent montrer de l’intolérance à l’exercice (faiblesse, essoufflement).

5. Quand apparaissent les premiers signes cliniques suite à une ingestion de monensin? Les effets sont-ils irréversibles?

Le moment d’apparition et la sévérité des signes cliniques sont très dépendants de la quantité de moulée ingérée et de la concentration de monensin contenue dans la moulée, qui peut varier d’un échantillon à l’autre. L’ingestion d’une grande quantité de monensin conduit à des signes sévères d’apparition aiguë, le décès de l’animal pouvant survenir quelques heures après l’ingestion. Lorsque la concentration en monensin est faible, les signes cliniques peuvent apparaître quelques jours à  quelques semaines après le début de l’ingestion. Certains chevaux auront initialement peu ou pas de signes cliniques, mais vont développer des problèmes cardiaques dans les semaines ou mois suivant l’arrêt de l’ingestion. Toutefois, la littérature fait rapport de cas de chevaux qui ont pu récupérer et retourner à leur niveau d’exercice habituel dans les mois suivant l’intoxication.

6. Que faire si un cheval a possiblement ingéré du monensin?

Si vous suspectez que votre cheval ait pu manger une moulée contaminée par du monensin ou un autre ionophore, il est indiqué de le garder au repos en attendant la visite de votre médecin vétérinaire, ceci afin d’éviter d’empirer de possibles dommages cardiaques.

Nous en profitons pour vous rappeler l’importance de ne jamais donner aux chevaux  de la moulée qui n’est pas spécifiquement faite pour eux. De plus, comme plusieurs contaminants (ionophores ou autres) ont un goût ou une odeur désagréable, il est toujours indiqué de retirer immédiatement des mangeoires une moulée qui serait boudée par vos chevaux et d’en conserver un échantillon pour analyse.