Médecine préventive – élevage aviaire

 

Un programme de médecine préventive aviaire vise à prévenir les maladies infectieuses et non infectieuses, ainsi qu’évaluer les performances reproductives des oiseaux dans l’élevage. La prévention des maladies passe par l’établissement d’un élevage fermé avec une quarantaine adéquate, le dépistage des maladies infectieuses et l’analyse du plan de l’élevage et la circulation du personnel. L’évaluation des performances reproductives est accomplie en faisant une évaluation périodique des divers registres d’élevage. Les registres de production sont des outils clés pour la détection précoce de performance reproductrice inférieure à la normale et permettent d’établir un plan d’action qui vise à redresser la situation. La gestion d’élevage vise à augmenter la production d’oiseaux en améliorant le taux de reproduction.

Le but ultime du médecin vétérinaire consultant est de ne pas faire de médecine de crise, mais bien de détecter les problèmes avant qu’ils surviennent. Il est important de réaliser que la médecine d’élevage est bien différente de la médecine de cas.

 

Concept d’élevage fermé

Le concept d’élevage fermé est une condition essentielle à l’implantation d’un programme de santé d’élevage. Dans un élevage fermé, les maladies sous cliniques et cliniques sont contrôlées en adhérant à deux principes de base : les aires désignées et une circulation limitée. La disposition de l’élevage doit être telle que des aires soient désignées pour diverses fonctions : quarantaine, adultes reproducteurs, pouponnière, juvéniles, isolation, cuisine, entrepôt, etc. La circulation dans l’élevage doit aussi être limitée quant aux humains, aux animaux et aux vecteurs potentiels d’agents infectieux (tout ce qui entre dans l’élevage). Le but de contrôler la circulation est de diminuer les variables d’élevage à l’intérieur des aires désignées et l’élevage dans sa totalité. En minimisant les variables d’élevage, on diminue les risques que des problèmes surviennent et on maximise les chances d’atteindre les objectifs de production. Sans concept d’élevage fermé, le programme de santé d’élevage est en péril, car l’apparition de maladies est alors aléatoire et imprévisible. La gestion des élevages ouverts est basée sur l’intervention en situation de crise uniquement, ce qui va à l’encontre d’une planification de la production.

 

Quarantaine

Toute nouvelle acquisition ou tout oiseau qui participe à des expositions devrait être gardé en quarantaine un minimum de 45 jours pour les psittacidés et les colombiformes et un minimum de 30 jours pour les passériformes. Les soins de ces oiseaux devraient être assurés par une personne qui ne s’occupe pas de vos autres oiseaux. Si cela n’est pas possible, les cages de ces oiseaux devraient être nettoyées et leur nourriture donnée après tous les autres oiseaux de votre élevage. Attention, il est faux de croire qu’un oiseau qui paraît sain suite à sa quarantaine est dépourvu de maladies! Il est primordial de faire un bon examen physique et de tester les oiseaux à la fin de leur quarantaine pour les maladies infectieuses telles que la chlamydophilose, le polyomavirus, la maladie du bec et des plumes des psittacidés (circovirus) et la maladie de Pacheco (herpèsvirus). De plus, d’autres tests peuvent être indiqués selon le cas (dépistage atoxoplamose, culture cloacale, etc.).

Les composantes du programme de santé d’élevage sont les suivantes :

  • Description de la mission de l’élevage
  • Évaluation des registres
  • Cartes illustrant la disposition des volières et la circulation dans l’élevage
  • Analyse financière
  • Établissement d’un plan d’action pour atteindre les buts à court terme et les buts à long terme de l’entreprise

 

Énoncé de la mission de l’éleveur
  • Nom du client
  • Type d’élevage ou entreprise (ouvert ou fermé)
  • Liste des objectifs à atteindre. Ces objectifs peuvent être d’ordre émotionnel, financier, passe-temps ou une combinaison des catégories précédentes. Ils doivent être réalistes, concis et doivent représenter vos aspirations et opinions éthiques. Ils illustrent généralement les raisons vitales pour lesquelles vous êtes devenu éleveur.
  • Comment prévoyez-vous atteindre vos objectifs?

Voici un exemple pour vous aider:

Moi, « x », ai hérité d’une collection de 10 couples de perruches Calopsittes de reproduction avec leur cage respective. En tant qu’étudiante au cégep, je n’ai pas beaucoup d’expérience, mais possède un fort intérêt pour élever des oiseaux. Mes parents sont prêts à m’aider dans cette nouvelle aventure à la fois physiquement et financièrement, mais désirent éventuellement que les oiseaux se paient eux-mêmes avec un petit profit qui pourra être dédié à mes études universitaires. Je veux vendre des oiseaux de grande qualité à un prix abordable. J’espère que cette expérience me permettra d’étendre mes connaissances et d’élever d’autres espèces d’oiseaux dans le futur.

 

Carte de l’élevage

Les éléments suivants doivent apparaître sur la carte de votre élevage:

  • Aire de reproduction
  • Quarantaine
  • Pouponnière
  • Barrières physiques
  • Cuisine et endroit où la nourriture est gardée
  • Où sont les oiseaux et quelles espèces sont présentes
  • +/- matériaux de construction, taille et confection des nids

 

Carte de la circulation

Test du spaghetti

Ce test vise à illustrer les mouvements quotidiens du personnel au sein de l’élevage pour nourrir, nettoyer et manipuler les oiseaux. Ce test permet d’identifier les aires où il y a transmission potentielle d’agents infectieux (aires où il y a une grande concentration de lignes) ou encore s’il y a une circulation inefficace (efforts et pertes de temps inutiles).

NB : Les informations obtenues grâce à la carte d’élevage et à la carte de circulation du personnel doivent demeurer à jour, car elles peuvent être d’une grande utilité pour le diagnostic et l’intervention du vétérinaire en situation de crise de même que pour aider à la gestion de l’entreprise.

 

Dossier de production

Tenir des dossiers de production est excessivement important, car c’est uniquement en évaluant ces derniers que les problèmes sous cliniques sont identifiés et que la production est réellement évaluée. Il est évident que noter un trop grand nombre d’informations n’est pas conseillé, car il est difficile de s’y retrouver et cela requière beaucoup de précieuses minutes.

Si vous avez déjà un système de dossier, votre médecin vétérinaire se familiarisera avec votre système, révisera les antécédents médicaux et commencera à identifier les problèmes cliniques et sous cliniques. Si vous n’avez pas de système de dossier, votre médecin vétérinaire vous aidera à en établir un. De façon générale, vous devriez avoir des dossiers pour 4 différentes catégories: informations générales, adultes, oisillons et incubation. À partir de ces données, votre médecin vétérinaire peut évaluer l’élevage dans son ensemble,  les oiseaux d’une même espèce ou encore les oiseaux qui sont à un endroit particulier dans l’élevage. Les exemples suivants illustrent le contenu de chacune de ces catégories.

1) Informations générales

  • Diète pour tous les oiseaux
  • Date de construction des diverses composantes de l’élevage
  • Matériaux utilisés (murs, planchers, dessus de comptoir, cages, nids)
  • Système de ventilation
  • Protocole de nettoyage, désinfection (produit utilisé)

2) Adultes

a) Dossier individuel:

  • Lieu et date d’acquisition
  • Parents si connus
  • Sexe (déterminé comment et par qui)
  • Ancien propriétaire
  • Performances reproductrices
  • Partenaire présent et anciens partenaires

b) Dossier des couples (1 an)

  • Numéro de paire
  • Nombre de couvée dans l’année
  • Nombre d’oeufs pondus dans l’année
  • Nombre d’oeufs fertiles lorsque mirés
  • Nombre d’oeufs infertiles lorsque mirés
  • Mort dans l’oeuf
  • Mortalité néonatale
  • Nombre d’oisillons vivants vendus

c) Dossier de production des couples d’un élevage

  • Numéro de paire
  • % fertilité (oeufs fertiles lorsque mirés/ oeufs pondus)
  • % mort dans l’oeuf (morts dans l’oeuf/ oeufs fertiles)
  • % mortalité néonatale (morts après éclosion/ oeufs fertiles)
  • % oisillons vendus/oeufs pondus
  • % oisillons vendus/oeufs fertiles

d) Résumé annuel

  • Moyenne
  • % fertilité
  • % morts dans l’oeuf
  • % mortalité néonatale
  • % oisillons / oeufs pondus
  • % oisillons / oeufs fertiles
  • nombre de couvées par an
  • nombres d’oeufs par an par paire
  • nombre d’oisillons vivants produits par paire qui pond
  • nombres d’oisillons vivants produits par paire
  • nombre total d’oisillons produits pour l’année

3) Oisillons: dossier de production le plus dynamique et le plus exigeant!

  • Parents
  • Durée incubation
  • Poids quotidien
  • Âge à l’ouverture des yeux
  • Âge de mise en place de la bague et dimensions de la bague
  • Poids culminant et âge
  • Âge début du sevrage
  • Perché
  • Âge fin du sevrage
  • Sexe et méthode utilisée
  • Problèmes

4) Incubation

  • Incubateur utilisé
  • Température et humidité
  • Date où l’oeuf a été pondu
  • Date d’éclosion prévue et réelle
  • Intervalle entre les éclosions d’une même couvée
  • Difficulté à l’éclosion
  • Poids à l’éclosion
  • Oeufs infertiles
  • Morts dans l’oeuf
  • Tests diagnostiques faits

 

Évaluation de la production et détermination des buts à court terme

L’évaluation vétérinaire et les actions prises peuvent concerner les aspects suivants:

1) Maladies infectieuses 

Le rôle du médecin vétérinaire n’est pas seulement de traiter les agents infectieux, mais bien d’évaluer la façon dont la maladie se développe. L’exemple classique est un éleveur qui traite ses oiseaux avec de la doxycycline pendant 45 jours après avoir eu un diagnostic de chlamydia psittaci chez un oiseau sans jamais avoir fait évaluer le réel patient, soit son élevage dans sa totalité. L’éleveur peut alors dépenser une fortune à traiter des maladies d’élevage non diagnostiquées, créant encore davantage de problèmes de maladies sous cliniques.

Votre médecin vétérinaire peut vous aider à identifier les pertes de production associées à des maladies infectieuses et évaluer l’impact global des maladies sur l’élevage. Il peut aussi vous guider pour améliorer la santé de votre élevage avec des traitements médicaux ou avec des changements de gestion appropriés en fonction de l’énoncé de votre mission et de vos finances.

2) Désordres nutritionnels 

Une diète constituée de graines uniquement est souvent associée à un plus haut taux de rétention d’oeufs, une production d’oeufs diminuée et moins d’oisillons vendus. Le prix supérieur de la moulée est souvent regagné en ayant davantage d’oisillons vendus.

3) Se débarrasser des inefficacités reproductives 

L’analyse des dossiers de production permet d’identifier les paires faiblement productrices pour ensuite diagnostiquer et traiter le problème, diagnostiquer et accepter les anomalies ou remplacer l’oiseau. L’idée de se débarrasser d’un psittacidé peut sembler un peu trop radicale, mais peut être nécessaire pour avoir un bon programme de santé d’élevage. Évidemment, se débarrasser d’un oiseau ne veut pas dire l’euthanasier. L’oiseau peut être accepté comme un mauvais reproducteur et demeurer dans l’élevage ou encore devenir un oiseau de compagnie dans un autre foyer.

Les paires qui ne se reproduisent pas ou peu le sont pour diverses raisons: mauvais match (paire incompatible, paire homosexuelle ou espèces différentes), oiseau sexuellement immature, maladies du système reproducteur, stress environnemental (climat, prédateur, oiseaux voisins et autres). Si le problème d’infertilité n’est pas évident, il faut songer à investiguer davantage : faire une endoscopie, sexer par ADN, faire une évaluation médicale ou installer une surveillance vidéo.

4) Débuter un programme de remplacement d’oiseau 

Il est important de respecter un programme strict de quarantaine selon un élevage fermé.

5) Programme de marketing 

Votre médecin vétérinaire peut vous aider à mettre sur pieds des éléments de publicité (dépliants, parler à des associations d’éleveurs ou amateurs d’oiseaux, commanditer des séminaires de formation pour les clients sur différents sujets à propos des oiseaux).

 

Préparation à la saison de reproduction

Une évaluation de votre élevage avant de débuter la saison de reproduction est fortement recommandée. Votre médecin vétérinaire peut vous aider à tout optimiser pour assurer une bonne production. Cette visite doit être planifiée au moins 2-3 mois avant que la première paire d’oiseau fréquente leur nid.

Cette visite comporte généralement deux volets : l’évaluation de l’élevage et l’examen physique de chacun des oiseaux. L’évaluation de l’élevage comprend la vérification des cages, des nids, du système d’abreuvement et de distribution de la nourriture ainsi que les éléments de la diète. L’examen physique de chaque oiseau permet de déceler des problèmes non apparents tels que maigreur, obésité, papillomes, masse cutanée ou autres. Les anomalies décelées peuvent ainsi être investiguées. Ainsi, si l’oiseau nécessite des traitements, ces derniers peuvent être complétés avant que la saison de reproduction ne débute. L’examen individuel de chaque oiseau est aussi une excellente occasion de couper et arrondir les griffes tranchantes afin de prévenir des dommages aux œufs.

 

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